
Si le duel en tête semble tourner à l’avantage d’Armel Le Cléac’h qui a retouché une bribe de vent d’Est avant Alex Thomson, le match est aussi très serré entre Jean-Pierre Dick qui approche du cap Horn et le duo Le Cam-Éliès attendu à la pointe de la Patagonie une dizaine d’heures plus tard. Quant à Enda O’Coineen, il devrait mouiller devant l’île Stewart en matinée…
Indubitablement, Armel Le Cléac’h a dû se faire des cheveux blancs ces derniers jours lorsqu’il a vu qu’Alex Thomson fondait sur lui comme une fusée ! À tel point que l’écart entre les deux leaders n’était plus ce vendredi matin que de 28 milles… Soit quasiment 800 milles perdus en six jours pour le skipper de Banque Populaire VIII. Mais l’hémorragie semble cautérisée depuis cette nuit noire sans lune : le monocoque bleu a traversé la bulle anticyclonique et profite désormais d’un flux léger mais constant de secteur Est. Tandis que le Gallois est désormais englué dans cette zone de calmes qui devraient perdurer au moins toute la matinée.
Les jeux ne sont pas faits…
Hugo Boss devrait donc avoir une journée difficile, mais pour autant, la suite n’est pas très claire jusqu’au cap Frio encore distant de plus de 600 milles : des bulles sans vent, des tentacules anticycloniques, des mini-dépressions, des alizés asthmatiques, des fluctuations imprévisibles de Sainte Hélène, des pamperos qui descendent de la cordillère des Andes : cette zone de l’Atlantique Sud est particulièrement mouvementée en toutes saisons… Ce qui ne fait pas forcément l’affaire de Jérémie Beyou puisque Maître CoQ a toujours des problèmes de communication et de connexion pour récupérer des fichiers météo. Mais le troisième larron sait que son monocoque est plutôt à l’aise contre le vent, ce qui risque fort d’y avoir au programme ces jours prochains.
Pour Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac), le cap Horn se dessine à l’horizon : poussé par un bon flux d’Ouest, le Niçois devrait déjà apercevoir le pinceau du phare et découvrir ces reliefs rugueux au lever du jour ! Un moment fort que ses deux poursuivants ne vivront qu’une dizaine d’heures plus tard : Jean Le Cam (Finistère Mer Vent) dispose encore de dix milles d’avance sur Yann Éliès (Quéguiner-Leucémie Espoir). Pour ce trio, l’entrée en Atlantique va se faire dans un flux de secteur Ouest qui va malheureusement s’essouffler à peine passer l’île des États : ce n’est que samedi midi que la situation météo va se décanter avec la naissance d’une dépression au pied de la Patagonie.
…Mais rien de va plus !
Pour Louis Burton (Bureau Vallée), le déplacement d’une perturbation australe va lui permettre de retrouver des brises de Sud-Ouest, froides mais propulsives et le solitaire va de nouveau longer la Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA) mais l’atterrissage sur le cap Horn d’ici cinq jours ne s’annonce pas facile avec une bulle sur la route… De quoi permettre à Nándor Fa (Spirit of Hungary) et à Conrad Colman (Foresight Natural Energy) de revenir par derrière avec un beau front aux fesses.
Quant au « club des cinq » dans le Sud de l’île Chatham, la poussée d’une dépression a quelque peu dispersé le groupe toujours emmené par Éric Bellion (Commeunseulhomme) : si Arnaud Boissières (La Mie Câline) et Alan Roura (La Fabrique) sont encore dans son sillage, Fabrice Amedeo (Newrest-Matmut) et Rich Wilson (Great America IV) ont choisi la sécurité en remontant vers le Nord-Est pour ne pas subir une mer trop agressive et un vent trop musclé.
L’Irlandais est en phase d’atterrissage sur l’île Stewart : va-t-il mouiller dans la même baie qu’Yves Parlier en 2001 ? Il faudra attendre la fin de la matinée pour connaître le point d’arrêt d’Enda O’Coineen, Kilcullen Voyager-Team Ireland ayant besoin d’un check-up complet pour réparer son rail de grand-voile et ses pilotes.
Un bricolage qui a aussi occupé Didac Costa (One Planet-One Ocean) ces derniers jours : l’Espagnol a pu reprendre sa route poussé par la dépression qu’il a abordé par le centre et qui s’étiole au fil des heures. Il a désormais Romain Attanasio (Famille Mary-Étamine du Lys) dans son rétroviseur tandis que Sébastien Destremau (TechnoFisrt-faceOcean) et Pieter Heerema (No Way Back) ont encore 750 milles à courir avant d’entrer dans le Pacifique. 8 000 milles séparent désormais les deux leaders au contact et les deux derniers solitaires… Plus d’un océan d’écart !
EXTRAITS DES VACATIONS
Jérémie Beyou (Maître CoQ) :
« Le vent a été un peu long à venir après le cap Horn, notamment au niveau de l’île des États : je me suis tapé une grosse pétole ! Et le vent a fini par rentrer du Sud-Ouest avec même 40 nœuds au passage des Malouines. Maintenant, j’ai plutôt 20-30 nœuds mais la brise est très instable. Ça vient du bon côté. J’ai en pour quelques heures avec ce vent-là mais ensuite, c’est plus compliqué : il y a une transition très molle avant de repartir au près derrière. J’évite de regarder trop loin devant, mais dans cette zone, il faut s’attendre à tout parce que c’est le lieu de la cyclogenèse de tout l’Atlantique Sud : il y a de petites dépressions qui se baladent, des anticyclones migrateurs… Le bateau va bien et se comporte plutôt pas mal au près : je ne regarde pas dans le rétroviseur parce que j’ai 800 milles de marge sur Jean-Pierre Dick. Il y a plusieurs systèmes météo entre nous et nous n’aurons donc pas les mêmes conditions : il va juste falloir rester concentré au moins jusqu’au cap Frio, car ensuite le système des alizés est plus simple. »